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Ny & Ath
Ny & Ath
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30 juin 2006

Chapitre I : La Rencontre.

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Soupir.
    Quelle mauvaise journée !
    Non seulement il avait déchiré son costume préféré, mais en plus il s’était fait coursé par deux minables petits anges sur des lieux de distance. Sans parler du coup de jus qu’il avait pris en cadeau bonus dans la minuterie de l’ascenseur de son appartement. Par tous les brasiers de l’enfer, pourquoi fallait-il que la malchance s’acharnât ainsi sur lui ?
    Nybalkiusdee avait décidément besoin de se changer les idées.
    Il s’arracha tant bien que mal de son canapé défoncé et à moitié dévoré par les mites de son ancien propriétaire et se dirigea sans grande conviction vers la salle de bain. Hum… Étant donnée l’odeur, aérer ne serait pas du luxe. Il fouilla dans les tiroirs, en sortant finalement des bandes et de l’alcool pour désinfecter ses blessures et entreprit de soigner les plaies infligées par les deux pigeons. Quand il eut fini ce petit travail, il jeta un coup d’œil dans la glace pour arranger ses cheveux en bataille. Natter une nouvelle fois toutes ses mèches vert sombre promettait d’être une tâche de longue haleine…
    Avec un juron à l’encontre de ses ennemis ancestraux, il commença les gestes répétitifs qu’il exécutait machinalement depuis vingt-cinq siècles. Il aspergea ensuite son visage fin aux traits agréables pour effacer les traces de sang. Comme ça, il était à peu près sortable. La première mamie dans la rue n’appellerait pas la police à sa vue, c’était toujours ça de gagné.
    Maintenant, enfiler une tenue convenable. Il passa une chemise blanche et un de ses sempiternels costumes noirs qui, selon Mal’Hora, lui donnait des allures de croque-mort. Tant mieux, songea-t-il, se fondre dans la masse était une de ses préférences en société. Enfin, en société, c’était vite dit, il n’allait qu’au bar d’en face pour respirer un peu.
    - Ny ?
    La voix ensommeillée venait de la chambre à coucher.
    - Hum… ? grogna-t-il en bataillant avec sa ceinture.
    - Tu sors ?
    - Mal’Hora, j’étais dehors toute la journée, s’emporta-t-il avec indignation, et c’est maintenant que tu me poses une question pareille ?
    - Justement, tu n’en as pas assez vu pour aujourd’hui ?
    Le démon releva la tête, apercevant la silhouette de son amie appuyée dans l’encadrement de la porte de la chambre. Ses cheveux roux en bataille et s’emmêlant jusqu’à ses hanches encadraient son visage taillé au couteau, aux petits yeux verts intelligents. Toute succube qu’elle était, elle possédait contrairement à la quasi-totalité de ses congénères une sorte de gentillesse, une bienveillance, une bonne conscience enfin. Elle prenait plus ou moins soin de Nybalkiusdee depuis trois siècles déjà, le considérant comme son petit frère, même si elle était sa cadette.
    Il s’apaisa.
    - T’es mignonne Mal’, mais je veux voir d’autres têtes que celles des présentateurs télé ce soir, expliqua le démon, déposant sur la joue de la succube un petit baiser. Je ne rentre pas trop tard, je ne bois pas, je regarde à gauche et à droite quand je traverse la rue, je ne reste pas dans la fumée des cigarettes…
    - Et tu ne parles pas à des inconnus, acheva-t-elle avec un sourire amusé.
    Elle avait parfaitement conscience d’être une mère poule avec Nybalkiusdee, mais c’était plus fort qu’elle, il fallait qu’elle s’occupe de lui. Mal’Hora avait même oublié quand cette histoire de recommandations avant de sortir avait commencé, encore moins pourquoi elle se donnait tout ce mal pour faire rentrer un peu de prudence dans la tête de son colocataire.
    Elle adressa un petit signe de la main à ce dernier alors qu’il quittait l’appartement qu’ils partageaient, au cinquième étage d’un vieil immeuble du sixième arrondissement. Oh, ce n’était pas le grand luxe, mais ils étaient tranquilles, avaient l’eau chaude, un poste de télévision et un réfrigérateur, que demander de plus ?
    La succube s’avança jusqu’au balcon pour le voir sortir dans la rue, et traverser au feu d’un pas mesuré. Elle n’aimait pas qu’il sorte sans elle d’ordinaire, encore plus ces derniers temps, car on parlait de trafic de pouvoirs dans la capitale depuis un certain temps. Autant d’anges que de démons en étaient les victimes, et ne pouvaient plus jamais récupérer la magie qui était la leur. Nybalkiusdee était un démon mineur, il était aisé de le mettre hors d’état de nuire et de lui voler ce qui appartenait à son essence la plus profonde.
    - Fais attention à toi Ny, soupira-t-elle en retournant dans la chambre pour dormir avant que la nuit ne tombe.
    Quand les étoiles illumineraient le ciel, elle irait hanter les rêves des mortels.

    Nybalkiusdee poussa la porte du bar et se dirigea aussitôt vers la petite table du fond qu’il avait l’habitude d’occuper. De là, il pouvait observer les consommateurs, et s’enfuir par l’issu de secours si par hasard les événements dégénéraient. Il retourna sa chaise pour s’y asseoir contre le dossier. Depuis sa naissance, le démon avait vite appris que dans une bataille, une chaise pouvait se révéler une arme redoutable.
    Il héla le serveur pour que celui-ci lui apporte un café. Auparavant, il prenait de l’alcool pour s’enfoncer dans ce qui ressemblait souvent à un coma éthylique. Mais depuis qu’il vivait avec Mal’Hora, il avait changé sa conduite. Ce que les femmes pouvaient être contraignantes parfois ! Enfin, il n’avait pas à se plaindre de celle-ci, elle dormait la majorité du temps, quittant leur appartement à la nuit tombée seulement. Bref, elle n’avait pas vraiment l’occasion de s’immiscer dans la vie de son colocataire et de s’imposer sur leur territoire commun.
    Une bonne pâte, elle faisait même la cuisine parfois, surtout le petit déjeuner quand elle revenait de ses escapades nocturnes.
    Le serveur lui apporta sa commande qu’il paya aussitôt. Il s’accouda au dossier de sa chaise et observa silencieusement les clients du bar. Il les connaissait de vue presque tous, c’étaient des habitués, tout comme lui. Leurs vies n’avaient rien de passionnant, leurs problèmes s’accumulaient désastreusement, et ils ne savaient même pas que c’était à cause de lui. En effet, quand on est mortel, côtoyer quotidiennement un démon apporte inévitablement des modifications dans le système de la chance.
    Murphy devient vorace de tartines tombées côté beurre sur les tapis de la belle-mère.
    Nybalkiusdee cherchait des têtes nouvelles qui n’appartenaient pas à des grands-mères ou à des célibattantes endurcies dont la masse musculaire dépassait cinq fois la sienne. Pas évident. Soudain, son regard s’arrêta sur quelqu’un. Ou plutôt sur la chevelure de quelqu’un.
    Interminable et blonde… En fait blanche, tirant sur un gris presque bleuté. Pas super courant il fallait l’admettre. Certes, le démon reconnaissait que la sienne passait difficilement inaperçue, mais il avait tout un mouvement punk et rock derrière lui qui pouvait le soutenir. Là, c’était tout de même moins évident.
    Le démon délaissa cette cascade d’ondulations neigeuses pour s’intéresser au visage de leur propriétaire. Une peau de pêche, claire et lumineuse. Des yeux améthyste.
    AMETHYSTES !
    Nybalkiusdee eut un mouvement de recul presque inconscient. A moins que l’inconnu ne porte des lentilles colorées, de telles prunelles n’existaient que chez Ceux d’En Haut. Un ange… ? Pas étonnant avec une telle beauté et une telle grâce dans le moindre de ses mouvements.
    Le personnage tourna vers lui son regard qui lui coupa littéralement le souffle. Il sentit peser sur lui un pouvoir immense et bien dissimulé des perceptions humaines. Qu’il bouge un petit doigt et cet ange l’écraserait comme un fruit trop mûr. Celui-ci quitta sa place au bar pour venir à sa rencontre. Il emprunta avec un sourire avenant une chaise à la table d’à-côté à laquelle discutaient deux lycéennes et la plaça juste en face de celle de la créature infernale, la petite table constituant la dernière barrière entre eux. Autant dire que Nybalkiusdee était dans la merde.

A suivre...

Le Marionnettiste.

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