Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Ny & Ath

Ny & Ath
Publicité
19 novembre 2006

Nimaaaaage

__defeated_angel___by_amihedgehog

Publicité
Publicité
19 novembre 2006

Chapitre VII (suite)

Une force la submergea, bloquant le souffle dans sa poitrine, envahissant ses poumons d’un souffle putride et poussiéreux… mais qui n’avait strictement rien de naturel. Il était normal pour un démon d’être mal à l’aise dans une église, mais ce malaise changeait selon la sainteté du lieu.
    Notre-Dame des Champs était une chapelle récente, tandis que St Martin avait le mérite de dater du douzième siècle après le type qui marchait sur l’eau. Les puissances invisible qui y régnaient y étaient fermement ancrés, et ils n’avaient absolument pas l’intention de laisser une succube entrer.
    Terrassée, Mal’Hora se laissa tomber à genoux. Un peu plus loin sur le parvis, Nybalkiusdee vit celle qu’il considérait comme sa petite sœur s’effondrer et se précipita pour la soutenir, sans savoir qu’il s’exposait à son tour au terrible danger.
    Lui aussi sentit ses forces quitter son corps. C’était tout aussi douloureux, peut-être plus même, que lorsque Uriel lui avait volé son précieux pouvoir. Il gémit de douleur.
    A quelques mètres de là, Athael lui aussi fut estomaqué. Il ne pouvait supporter ce spectacle. Il ne pouvait pas regarder le démon souffrir… ! Il voulait voler à son  secours, mais une pensée inconcevable le paralysait.
    Pourquoi s’intéressait-il autant au sort d’un simple démon ? Pourquoi voulait-il sauver un être qui selon tous les principes qu’il s’était dicté depuis trente-deux siècles d’existence ? Pourquoi désobéissait-il aussi impunément aux lois que Dieu avait dictée, tout ça pour un DEMON ?
    Son regard croisa celui de Gabriel, aussi froid qu’inquisiteur. Lui ne ferait pas un geste pour aider les deux créatures infernales. C’était pour le chérubin un test, une épreuve.
    Mais il n’y avait pas de bonne solution.
    Le regard de Gabriel était évocateur, comme toujours.
    A toi de choisir.
    Athael vit les deux démons se tordre de douleur, à bout de souffle même pour hurler leurs souffrances. Il vit l’église le narguer moqueusement. Il vit l’archange qui restait parfaitement immobile, et seule une lueur dangereuse voletait dans ses yeux clairs.
    N’y tenant plus, le chérubin se précipita vers la porte, s’y agenouilla et se signa, une prière muette sur les lèvres. Qu’Il le pardonne pour ce qu’il allait faire, mais il préférait suivre les ordres de son cœur plutôt que ceux d’un clergé déclinant. De ses mains fines partirent des rais de lumière qui foudroyèrent les portes de l’église, rendant celle-ci transparentes sous le puissant afflux de magie.
    Il forçait St Martin à accepter en son sein des créatures des Enfers, des enfants du Diable.
    Et les portes s’ouvrirent.
    Quand aidés par Gabriel, les deux démons se rétablirent et s’assirent sur les bancs de bois poussiéreux, ils remarquèrent la brusque absence d’Athael. Ce dernier s’était retiré dans la sacristie, désireux d’être seul et de retrouver une contenance.
    Et de se punir pour ce qu’il venait de faire.

Le Marionnettiste

6 novembre 2006

Démon né Ange

Yaoi_Sketch___Suicide_Bliss

6 novembre 2006

Chapitre VII (Première Partie)

Chapitre 7 : Le Céleste Tribunal

    Gabriel régla son compte à la porte récalcitrante de la BMW en quelques secondes, après quoi il invita ses compagnons à monter à bord en adoptant pour l’occasion une parfaite imitation de voix d’hôtesse d’aéroport. L’imitation qui amusa les démons ne servit pour Athael qu’à lui faire hausser les yeux au ciel.
    - Je me demande sérieusement comment tu as pu acquérir ce rang Gaby tu sais. Plus je te connais, plus je me dis que l’Autre t’aurait accepté En Bas avec un ou deux accessoires gothiques en plus.
    - Ptêt, mais Lulu se prend un peu trop la tête pour moi. Et puis tu sais, ça ne fait que deux mille ans que j’ai un peu dérapé, depuis Miss Marie en fait. Les années cinquante n’ont rien arrangé à la donne.
    Mal’Hora et Nybalkiusdee eurent quelques difficultés à ne pas s’étouffer de rire à la mine outrée du chérubin. Que l’un des archanges de Dieu désigne le Diable en personne sous le surnom de Lulu était tout simplement délicieux, quant à son appellation de la Sainte Vierge… De plus tous deux venaient de se faire une image de Gabriel dans les tenues psychédéliques du milieu du vingtième siècle, et l’image était elle aussi succulente. Oui, comme l’avait dit Athael, Gaby aurait eu sa place aux Enfers.
    Le chérubin s’assit à l’avant pour guider la succube sur le périphérique et les nationales conséquentes pour atteindre leur objectif. Vers trois heures du matin, ils n’eurent aucun problème d’embouteillage et filèrent à une vitesse impressionnante vers la petite ville bourgeoise de Verneuil sur Seine.
    Ils se garèrent au petit matin dans le parking de la Poste avant de se diriger non sans une certaine réticence en ce qui concernait Mal’Hora vers la petite église romane de St Martin. Cette dernière n’avait en rien une apparence aussi majestueuse ou imposante que celle d’une cathédrale, encore moins le caractère intimiste d’une chapelle ou d’un confessionnal. Elle n’avait rien de particulier en fait. Une simple église de banlieue. Un toit aux tuiles oranges et rouges. Pas franchement belle.
    - Moche, lâcha la succube.
    - Mais chaleureuse lors des veillées de pâques je peux te l’assurer, remarqua Gaby d’un ton guilleret.
    - Tu viens ici souvent ?
    - Pour prendre des nouvelles d’Ath. Il n’est pas très sociable, et en plus il a tendance à… enfin bon… à faire des bêtises parfois.
    Son ton s’était aggravée. Ses sourcils se fronçaient lentement sur son front clair, étrange figure de sévérité sur un visage pourtant d’ordinaire sans arrêt plein d’enthousiasme et de frivolité. Avant d’entrer dans l’église, il passa son bras sous celui de la jeune femme, en retrouvant un sourire plein de malice. Il frappa deux trois fois et attendit. Pas un bruit outre l’écho de ses coups ne lui répondit. Il se pencha lentement.
    - Je crois que nous sommes un peu en avance sur l’horaire de notre mariage ma chérie…
    Mal’Hora éclata de rire. Elle tendit la main vers la poignée dorée et sentit soudain son cœur arrêter de battre dans sa poitrine… !

Le Marionnettiste

11 octobre 2006

Mal'Hora

Eh-eh, comme ça vous pouvez avoir une idée de l'apparence de ma petite succube. Eh oui, je sais ce que vous allez dire si vous vous y connaissez un tant soi peu... Succube est un nom masculin, je devrais dire "un", mais j'avoue que ça ne devenait plus clair du tout donc j'ai pris la liberté d'en faire un peu ce que je voulais ^^.
__fallen_angel___by_amihedgehog
Son nom, vous le connaissez, Mal'Hora, et non, je ne l'ai pas choisi par amour du goût !
Une succube donc, démon qui hante les rêves des hommes pour les faire succomber au péché de la tentation... !

Un poil plus jeune que Nybalkiusdee, 18 siècles d'existence. Elle aime à jouer la grande soeur, déteste cordialement les Eglises mais adooore en secret les peintures de Michel-Ange. Oui, elle aime l'art religieux, mais il faudrait être sacrément doué pour arriver à le lui faire avouer.

Sa devise : Prudence est mère de sûreté, et elle a pas tort.


Le Marionnettiste

Publicité
Publicité
16 septembre 2006

Chapitre VI : Les Chiens d'Uriel

Chapitre 6 : Les chiens d’Uriel.

    Semblable à des amis ressortant d’un restaurant Hippopotamus après une bonne bâfrée de viande rouge avec accompagnement à volonté de légumes et de frites pour se remémorer les bons souvenirs du lycée, le petit groupe revint à l’appartement du cinquième étage de la rue Joseph Bara. Il ne fallut que quelques secondes à Gaby pour trouver l’emplacement de la cuisine et faire pour autant dire la petite pièce sienne.
    Dans un concert monstrueux et cliquetant de casseroles, poêles et autres ustensiles visant à l’art délicat de la gastronomie, l’archange commença pêle-mêle à préparer ce qui ressemblait fort à un petit déjeuner à l’anglaise : bacon, œufs brouillés et autres petites délices que les deux démons ne supposaient même pas posséder dans leurs placards ou leur réfrigérateur. Malgré les protestations d’Athael qui répétait que ce n’était pas le moment pour s’occuper d’une pareille manière, Gabriel poursuivit ses exercices de jonglage entre l’évier et le four.
    Mal’Hora découvrit un sourire canin en voyant ce petit bout de plume manier si bien cet univers dans lequel elle prenait tant de plaisir. Décidément, il avait tout pour plaire ! Si seulement ses ailes étaient noires et pas d’une blancheur immaculée…
    Abandonnant momentanément la lutte, Athael se laissa tomber sur une chaise dont le coussin émit ce qui ressembla alors à un gémissement de protestation. La succube ne tarda pas à faire de même tandis que Gabriel investit royalement le malheureux tabouret qui servait à atteindre les étagères les plus hautes.
    Nybalkiusdee leur tira à tous la langue, obligé de rester debout par la force des choses, jusqu’à ce que le chérubin l’attire sans plus de cérémonie sur ses genoux. Prenant alors une magnifique couleur qui n’aurait pas fait honte à un coquelicot, le démon marmonna une vague protestation, alors que Gabriel leur servait alors à tous son petit déjeuner artisanal.
    - Bien, dit-il alors. On a un Uriel qui veut s’emparer de pouvoirs, une administration foireuse, deux anges qui n’obéissent pas vraiment à ladite admin’ et deux démons qui semblent tout simplement adorables.
    Mal’Hora engloutit le contenu de son assiette, ne lâchant pas des yeux son angélique proie. Dommage que ces plumeux ne soient pas sensibles au charme démoniaque… Quoique, à voir les coups d’œil lascifs que l’archange lui lançait, elle avait peut-être sa chance !
    Athael repoussa une longue mèche de cheveux derrière son épaule pour finalement manger avec appétit la préparation de son supérieur, contournant habilement la taille du démon assis sur lui.
    - Ce n’est pas tant le problème… souffla-t-il.
    - Alors qu’est-ce que c’est ? s’étonna Nybalkiusdee.
    - Bah, Uriel va vouloir faire le ménage, lâcha Gabriel.
    - C’est-à-dire ?
    - Tuer les témoins. Athael et toi, comprit la succube en fronçant les sourcils. Il faudrait trouver un endroit où vous mettre à l’abri, parce qu’ici ça va pas tarder à sentir le sapin.
    A peine avait-elle lâché ces paroles qu’un bruit de verre cassé emplit la pièce voisine. En moins de temps qu’il ne fallut pour les éclats de verre de rebondir une seconde fois sur le sol, les quatre occupants de la pièce furent sur leurs pieds, prêts à toute éventualité.
    Il y avait trois intrus. Des anges déchus, vêtus de rouge et or, aux allures aussi antipathiques que dénuées de bonnes intentions. Leurs lèvres respectives s’entrouvrirent sur des sourires carnassiers et avides de viande fraîche. Ils avancèrent d’un pas semblable, tirant de leurs ceintures trois 9 millimètres armés de silencieux.
    Gabriel haussa un sourcil, poêle grasse en main.
    - On va manquer de bacon…
    La réplique déstabilisa les très probablement envoyés d’Uriel. Ils n’hésitèrent cependant pas plus d’une demi seconde pour lever leurs armes vers le petit groupe et commencer à faire feu. Quand le sifflement de la première balle passa au-dessus de son épaule en arrachant le pauvre reste de veste qui le couvrait encore un peu, Nybalkiusdee décida qu’il n’allait certainement pas se laisser faire. Il voulut se concentrer pour invoquer une boule d’énergie, avant de se rendre compte qu’aucun flux magique ne parvenait jusqu’à sa paume.
    Et mer…
    Athael n’en avait pas tant attendu. Il avait bondi sur la table, matérialisant entre ses mains expertes sa lourde épée héritée d’un seigneur de guerre du XIIe siècle. Il manqua scalper l’un de ses opposants, mais parvint néanmoins à le surprendre, et à lui faire lâcher son pistolet par la même occasion. Son attaque suivante rencontra la dureté relative d’une côté, celle-ci se brisant nette sous le poids de la lame d’acier. Mal’Hora avait vaillamment suivi le mouvement, toute en rapidité, mais avec certes beaucoup de moins de classe. Elle ne possédait pas d’antique arme pourfendeuse d’impies, mais une capacité d’adaptation que n’aurait pas renié un caméléon. Sa main rencontra le manche d’une casserole posée sur le plan de travail. Elle brandit l’arme improvisée et s’en servit comme bouclier pour éviter la balle qui se ficha dans le téflon avec une résonance vibrante et qui aurait dû lui traverser la poitrine de part en part. Sans attendre une nouvelle rafale de projectiles, elle asséna un coup retentissant sur la tête de l’un des anges déchus qui sombra dans les douloureuses brumes de l’inconscience pour la peine.
    Pendant ce temps-là, le dernier intrus se trouvait aux prises avec l’archange Gabriel. Ce dernier attrapa de sa fourchette un petit bout d’œuf et l’engloutit tout en se fendant vers l’ange déchu avec l’armement dont il disposait, à savoir une poêle bouillante.
    La brûlure que celui-ci en retira le fit reculer avec un glapissement de souffrance. La marque « Tefal » resta imprimée sur sa peau en caractères de peau calcinée.
    Il ne fallut qu’une seconde supplémentaire au chérubin pour se glisser dans son dos et lui passer son épée au travers du corps. La succube de son côté venait de briser le cervicales de celui qu’elle avait assommé pour être certaine qu’il ne reviendrait pas à la charge.
    Bientôt leurs corps se désagrégèrent dans des nuées de poussières noirâtres.
   
    - Gaby, la prochaine fois, essaye de ressembler à quelqu’un de sérieux…soupira Athael. Ces andouilles vont encore se foutre de ta gueule à leurs supérieurs.
    L’archange haussa négligemment les épaules.
    - Qui sera le plus ridicule ? Moi ou le tatoué Tefal ?
    La réplique fit éclater Mal’Hora de rire. Elle reposa sa casserole sur la gazinière.
    - Je crois que rester ici n’est pas une excellente idée. Quelqu’un a-t-il un lieu propice au repli stratégique à proposer ?
    Gabriel roula la tête en arrière avant de l’orienter clairement vers son subordonné.
    - Ath ?
    Ce dernier rougit légèrement.
    - Tu pourrais p’têt faire un effort et nous ouvrir ta piaule, na ?
    Le chérubin poussa un long soupir.
    - Je veux bien, mais il faut se déplacer en banlieue. Quelqu’un a une voiture et le permis de conduire qui irait avec ?
    Mal’Hora leva la main.
    - La voiture ce n’est pas un problème. Le permis je l’ai.
    - Comment ça la voiture ce n’est pas un problème ? releva précautionneusement Nybalkiusdee.
    - Il y a une super BMW qui n’attend que nous en bas de l’immeuble. Je suis sûre qu’avec un peu de débrouillardise on va pouvoir l’ouvrir et la faire marcher, non ? proposa la succube.
    Gabriel finit son œuf en hochant vigoureusement la tête.
    - Ouaip. C’est dans mes cordes.
    Le démon privé de pouvoir rassembla alors leurs maigres possessions, et alors qu’ils descendaient l’escalier de l’immeuble sous les regards outrés des petites grands-mères outrées de voir passer des jeunes aux looks si peu conventionnels, il songea qu’il n’avait pas la moindre idée de l’endroit où ils se rendaient. Il se pencha vers Athael pour le lui demander.
    - Dans les Yvelines… Une petite église de ville banlieusarde du nom de St Martin.
    Mal’Hora leva les yeux au ciel, avant de les rabaisser vers les Enfers en fait.
    Pourquoi fallait-il que ce soit encore une église… ?


Le Marionnettiste

29 août 2006

Chapitre V : Gaby

Chapitre 5 : Gaby

    Après le réveil de Nybalkiusdee et l’engloutissement par ce dernier d’une bonne plâtrée de pâtes aux petits lardons concoctées par Mal’Hora, l’insolite trio avait quitté la rue Bara et remonté le boulevard St Michel sans s’accorder un seul regard. Le démon se trouvait tout simplement incapable de regarder l’ange en face, trop mal à l’aise et embarrassé. La succube lui pinça la joue avec un sourire rassurant.
    - Pas de bile Ny, on va arranger ça ! Comment i’ s’appelle vot’ supérieur ?
    Le chérubin eut un sourire nostalgique en s’avançant sur le parvis de l’église Notre-Dame des Champs. Il était déjà venu ici, mais ne se souvenait plus exactement pourquoi.
    - Gaby.
    - Étrange… commenta Nybalkiusdee .
    - Pardon, j’écorche son nom. Gabriel.
    Deux toux simultanées lui arrachèrent un éclat de rire avant qu’il ne s’en aperçoive. Depuis combien de temps n’avait-il pas ri ? Depuis combien de temps ne s’était-il pas senti aussi bien, quand bien même la situation dans laquelle il se trouvait était délicate ? Depuis quand les démons avaient un pouvoir apaisant ?
    Que de questions sans réponses… Secouant la tête, Athael pénétra dans la chapelle, esquissant un signe de croix dans l’air. Il se retourna pour voir ses deux compagnons d’infortune le suivre, des grimaces d’écoeurement aux lèvres. Le démon eut tout de même une mine surprise sur le chemin de la nef.
    - C’est beau, dit-il.
    La claque qu’il reçut à l’arrière du crâne le dissuada de poursuivre sur cette lancée. Il était au plein cœur d’un repaire ennemi bon sang ! Il n’empêchait, qu’il n’avait jamais ressenti cela auparavant… Était-il seulement déjà entré dans une église ? Pas à sa connaissance, mais il ne manquerait pas d’y retourner si cette histoire ne se terminait pas trop mal pour lui, sans le dire à Mal’Hora bien entendu ! Il s’arrêta à quelques mètres de l’autel, laissant ses deux compagnons le dépasser.
    La vision qu’il eut alors le fit douter de ses désirs réels.
    Un rideau de lumière dorée tombait délicatement sur la blancheur d’Athael, l’auréolant d’un manteau d’or et d’argent. Ainsi, il apparaissait parfait… Une telle beauté, une telle douceur… ! Il sentit son cœur tambouriner dans sa poitrine, sans qu’il ne parvienne à en contrôler la course folle.  Qu’es-ce qu’il lui arrivait ?
    Le chérubin lui jeta un regard intrigué.
    - Quelque chose ne va pas Nybalkiusdee ?
    Ce dernier mit quelques secondes à réaliser que cela faisait approximativement une minute qu’il contemplait l’ange bouche entrouverte.  Il secoua la tête frénétiquement.
    - Non non, tout va bien, ou presque ! Hum… Comment est-ce qu’on le contacte ton pote ?
    Athael ne répondit pas, se retournant lentement vers le grand crucifix qui lui faisait face. Son pouls à lui aussi lui paraissait étonnement rapide… Sa récente esclandre avec Uriel sans doute… Il vérifia qu’il n’y avait personne dans l’église - champ libre en général vers deux heures du matin - puis joignit ses mains devant ses lèvres avant de murmurer le nom de celui qu’il désirait voir. Un vent surnaturel souleva soudainement les banderoles de papiers colorés qui clamaient haut et fort les enseignements de la Bible, ravivant l’éclat ambré des cierges.
    Juste sur l’autel, derrière le Saint Livre ouvert à la page du Nouveau Testament, une silhouette se matérialisa, luminescente.
    L’ange qui venait d’apparaître bâilla à s’en décrocher la mâchoire.
    - Hugh, lâcha-t-il négligemment.
    Mal’Hora ouvrit des yeux ronds comme des soucoupes. C’était ça l’archange Gabriel ? Un jeune garçon à l’air un peu voire beaucoup décalé, vêtu d’une longue chemise blanche et d’un jean déchiré, un bijoux Peace And Love au cou ? Ces petits yeux adorables, verts comme l’émeraude, ces cheveux châtains courts et ébouriffés et cette vague impression qu’il venait de sortir du lit ? Pourquoi fallait-il une telle désillusion ? Pour beaucoup de démons, Gabriel était l’un des symboles du paradis, un messager guidé par des idéaux de justice et de vertu, mais quand on voyait ça, le rêve perdait un peu de ses brillantes couleurs.
    - Salut Gaby, j’ai besoin de ton aide, des soucis avec l’administration.
    L’archange se frotta les yeux avant de reconnaître le chérubin qui se tenait devant lui. Il sauta à bas de l’autel, renversant par la même occasion une coupe recouverte de feuille d’or qui rebondit avec un claquement métallique sur la pierre de l’église.
    - Oops, oh salut Ath ! Problème genre des supérieurs qui pètent plus haut que leur cul ? Tu sais je peux pas faire grand-chose pour toi… Oh non je sais, ils ne veulent plus que tu fasses du camping à St Martin c’est ça ?
    Athael secoua la tête, avant de se mettre de côté pour que son collègue puisse apercevoir les deux démons qui l’accompagnaient.
    - C’est plus compliqué que ça. Le jeune démon que tu vois ici, Nybalkiusdee, vient de se faire voler son pouvoir par personne d’autre qu’Uriel… De toute évidence c’est le chef de la bande de trafiquants qui crapahutent dans la région en ce moment. Bref, de sérieux ennuis en perspective, j’imaginais que tu pouvais m’aider.
    - T’as tapé à la bonne porte. Et cette charmante jeune fille ?
    La succube rougit jusqu’aux oreilles. Son rôle de tentatrice lui avait échu une dizaine de siècle plus tôt, elle avait donc l’habitude de jouer les femmes fatales, mais venant d’un archange, le compliment prenait une toute autre dimension.
    - Mal’Hora… souffla-t-elle, un peu gênée.
    - Ravi de vous rencontrer Mal’Hora. Gabriel, Gaby pour les copains. Bon alors Uriel, c’est un gros morceau. Le truc, ce serait de lui tendre un bon gros piège, d’avertir le troupeau juridique de là-haut, et de le faire pincer par la même occaz si je comprends bien ?
    - L’ennui, intervint Nybalkiusdee, c’est qu’il sait que vous vous doutez de quelque chose, puisqu’il s’est fait attaqué par Athael. Il ne va pas se montrer de sitôt, il sait ce qu’il risque. Il ne se montrera plus !
    - Pas bête la guêpe, commenta Gabriel en sautillant d’un pied sur l’autre. Bon ce qu’on va faire, c’est que je vais déléguer quelqu’un là-haut pour s’occuper de mes affaires, pis on va s’installer dans un coin pépère pour réfléchir à tout ça. Rester en camping ici c’est pas l’idéal. Vous avez une piaule que’que part ?
    - Notre appart, répondit Mal’Hora en se rapprochant de l’archange, délibérément provocatrice dans sa démarche et sa chute de reins.
    Ce dernier sourit calmement, une manière comme une autre pour lui de faire comprendre à la succube que premièrement son attitude ne le laissait pas indifférent, et deuxièmement que malheureusement étant donné son statut de mandaté de Dieu lui-même, ce genre d’écart de conduite lui était interdit depuis plusieurs dizaines de millénaires déjà. Tout ça en un sourire, le Gaby, il était très fort.
    Il acquiesça ensuite, suivant Mal’Hora dans la rue, et celle-ci n’était pas fâchée de enfin sortir de l’église, elle ne supportait pas l’odeur de cire et d’humidité qui y persistait. Athael poussa un long soupir, sans doute un peu exaspéré par la conduite un peu cavalière de son supérieur, et les suivit ensuite. Nybalkiusdee resta quelques secondes à contempler le crucifix, sans toutefois exactement savoir pourquoi, puis il rejoignit timidement le chérubin.
    - Oh euh… Merci pour tout Athael.
    Le chérubin fut surpris. Deux fois en une seule nuit ? Il était vraiment fiévreux ce démon ou quoi ? Il posa sa main sur son front, mais la température lui parut normale. Nybalkiusdee se dégagea, ne souhaitant pas prolonger le contact pour diverses raisons.
    - Chuis pas malade ! Je suis réaliste, je connais pas beaucoup de pigeons qui m’auraient aidé dans une situation pareille.
    - Je ne sais pas si tu connais beaucoup de pigeons cependant.
    Bonne remarque.
    Nybalkiusdee rougit furieusement, se maudissant et se vouant à toutes les tortures des Enfers pour sa stupidité. Athael assista à la touchante réaction, et ne put s’empêcher de penser que le démon était très attendrissant lorsqu’il virait à cette magnifique couleur pivoine. Peut-être rougissait-il de la même manière dans d’autres situations…
    Quand il réalisa ce qu’il était en train de penser, ce fut à l’ange de prendre une superbe teinte prune et de détourner le regard. Mais qu’est-ce qu’il lui prenait d’un coup de penser des trucs pareils ! S’il avait eu son silice sous la main, il ne se serait pas privé d’une ou deux heures de supplice punitives.


Le Marionnettiste.

25 juillet 2006

Chapitre IV : Ath se la joue infirmière

Chapitre 4

    Athael souleva complètement le démon dans ses bras, et celui-ci s’agrippa tant bien que mal à son cou pour ne pas basculer en arrière. En suivant ses directives, ils ne mirent guère de temps à monter les escaliers conduisant au dernier étage et à entrer dans l’appartement où il vivait. L’ange poussa le battant resté entr’ouvert et referma d’un pied la porte derrière eux. Il découvrit sans grande surprise une grande pièce en désordre, des vêtements et des papiers traînant un peu partout. Cette sorte de salon menait sur trois autres salles : une petite cuisine, une salle de bain de taille encore plus modeste, et certainement une chambre dont la porte était presque entièrement fermée.
    Un tel logement à Paris était difficile à trouver, c’était le moins qu’on puisse dire. Que Nybalkiusdee y vive seul était assez étonnant. Ce dernier s’assoupissait lentement dans les bras de son sauveur, y trouvant là une chaleur inconnu mais divinement agréable. Ses sens étaient trop engourdis pour qu’il puisse réaliser dans quelle situation fort compromettante il se trouvait.
    C’est vrai, songea l’ange, la perte des pouvoirs entraîne un déclin temporaire de la santé. Il faudrait surveiller l’état du jeune démon. Il s’avança pour allonger son protégé sur le canapé un peu défoncé avant de se diriger vers la salle de bain et d’ouvrir les robinets de la baignoire pour préparer un bain.
    Nybalkiusdee était plongé dans une semi conscience qui lui interdisait toute réaction. Il gardait péniblement les yeux ouverts, et voulut protester quand le chérubin commença à le dévêtir pour lui faire prendre un bain.
    - Non…
    - Sh… Ça te fera du bien.
    C’est ainsi que le démon se retrouva de nouveau ballotté contre la poitrine musclée d’Athael, jusqu’à ce que ce dernier ne l’allonge dans la baignoire remplie d’eau délicieusement chaude. Les mains de l’ange commencèrent alors à le laver, douces, effectuant simplement leur office, ni plus ni moins, sans gestes déplacés d’aucune sorte. Nybalkiusdee sortit difficilement de sa torpeur pour articuler le mot qui trottait dans sa tête depuis quelques minutes déjà.
    - Merci…
    Athael cacha mal sa surprise. Les idées du démon devaient déjà être sacrément émoussées pour qu’il se permette de dire une chose pareille à une créature qui était son exact opposé, et son ennemi plurimillénaire. Mais… un tel comportement avait quelque chose d’attendrissant dans sa faiblesse. De plus, le guerrier céleste ne pouvait s’accorder la faveur de répondre qu’il n’y avait rien de plus normal, car ç’aurait été un mensonge éhonté. Non, d’ordinaire, n’importe quel ange aurait laissé Nybalkiusdee entre les griffes d’Uriel.
    N’importe quel ange… Mais Athael n’était pas n’importe quel ange, puisqu’il s’interrogeait parfois, au plus profond de la nuit, lorsqu’il était seul, sur les raisons pour lesquelles le Seigneur avait fait de lui un guerrier céleste. Le chérubin était un être empli de doutes et d’interrogations, et ce jeune démon ne faisait que rajouter de l’huile sur le feu.
    - Je peux savoir ce que vous faites… ? demanda une voix féminine.
    Le ton était à la fois méfiant, menaçant et vivement surpris. L’ange se retourna, abandonnant momentanément son activité pour s’avoir qui s’adressait à lui. Il sentait clairement une aura démoniaque mais pas suffisamment puissante pour y coller un rang précis. Il lui suffit d’un coup d’œil pour pallier son ignorance.
    Une succube.
    Rien de dangereux donc.
    - Je soigne Nybalkiusdee.
    La créature tentatrice haussa les sourcils jusqu’au plafond. Dire qu’elle était estomaquée relevait de l’euphémisme du siècle. Elle ne pouvait détacher les yeux de l’étrange scène à laquelle elle assistait. Depuis quand les anges soignaient-ils les démons ? Athael répondit aussitôt à sa question muette :
    - En m’aidant, Nybalkiusdee a été gravement blessé. Je lui suis redevable. Je ne vous ferai aucun mal, encore moins à lui. J’en ai suffisamment fait.
    Un faible gémissement monta de la baignoire. L’ange abandonna la discussion qu’il était en train d’avoir avec la succube pour s’occuper de son démon. Il rougit soudainement jusqu’aux oreilles lorsqu’il se rendit compte de ce qu’il venait de penser. Son démon ? Il secoua la tête et redressa son patient en passant un bras autour de ses épaules.
    - Qu’y a-t-il ?
    Le jeune démon tremblait comme une feuille et claquait violemment des dents malgré l’eau chaude dans laquelle il baignait. Athael posa une main sur son front. Brûlant. Pas bon du tout… La perte de pouvoir l’affectait plus que prévu. Il fallait s’occuper de lui, et ensuite d’Uriel, et dans les deux cas, la tâche ne promettait pas d’être aisée. Le chérubin se tourna vers la succube, l’air ennuyé.
    - Pourriez-vous m’aider ? Il faudrait que je sache comment on soigne les démons mineurs en bas.
    - On ne les soigne pas, on les achève.
    Athael haussa un sourcil. Charmant, mais ça ne résolvait pas le problème.
    - Soit. On va faire ça autrement. Méthode mortelle donc. Vous avez de l’aspirine… ?

    Une demi-heure plus tard, Mal’Hora assistait avec une surprise grandissante aux soins que l’ange prodiguait à Nybalkiusdee. Elle ne pouvait s’empêcher d’éprouver une petite pique de jalousie. Jamais, alors qu’elle se considérait comme sa grande sœur, le démon ne s’était abandonné à elle de cette manière. Alors que lui, là, c’était… mais c’était un ange ! Un ennemi !
    - Qu’est-ce qu’il a ? interrogea-t-elle.
    - Uriel lui a volé son pouvoir, dit calmement le chérubin.
    - U… Uriel ! Mais…
    - Oui, c’est interdit.
    - Mais…
    - Pour l’amener devant la justice céleste, cela risque en effet d’être difficile.
    - Mais…
    - Il faut simplement réussir à le prendre la main dans le sac. Enfin, quand je dis « simplement », je me comprends. Autant dire que nous aurons besoin d’aide.
    - Nous ? explosa la jeune femme, exaspérée de ne pouvoir finir aucune phrase.
    Athael acquiesça doucement, en bordant le jeune démon dans le lit. Il écarta de son front quelques mèches vert sombre échappées de ses tresses et lui effleura la joue du dos de la main. Quand Mal’Hora se racla délibérément et bruyamment la gorge, il reprit une magnifique couleur pivoine avant de se relever pour faire face à la succube.
    - Je vais contacter mon supérieur direct, et à nous quatre nous pourrons coincer Uriel et sa bande.
    - Parce que vous comptez sur ma participation en plus ?
    - Vous semblez être une amie de Nybalkiusdee. A ce titre vous devez l’aider à récupérer son pouvoir.
    Muette, Mal’Hora ne sut que dire. Elle s’était en effet promis de protéger  le démon, et pourrait-elle à nouveau se regarder en face si elle tournait délibérément le dos à celui qu’elle considérait comme son petit frère ? Même si cela signifiait travailler de concert avec un ange… ou plutôt deux !
    - Mais pourquoi au juste vous voulez aider Ny ?
    - Ny ? releva l’ange. Mignon petit surnom… Je vous ai déjà dit, c’est par ma faute qu’il a été blessé. Je lui avais promis que s’il m’aidait, il se serait sauf. J’ai failli à ma parole, je dois me racheter.
    - Vous êtes sacrément frappé quand même, soupira la succube en se pinçant l’arête du nez.
    - C’est ce que mon supérieur me dit souvent.
    - Et comment vous allez le contacter cet illustre inconnu ?
    - Quelle est l’église la plus proche ?
    - Notre-Dame des Champs. Sur le boulevard St Michel.
    - Parfait. On va attendre que Ny se réveille, après quoi nous irons là-bas.
    - Nous traîner dans une église ! Vous voulez l’achever ou quoi !
    - Ce que les démons peuvent être mauvaises langues parfois…



A Suivre...

Le Marionnettiste.

1 juillet 2006

Chapitre III : Le Voleur de Pouvoir

Chapitre 3

    Alors là, ça devait vraiment compromettant.
    Depuis quand devait-il faire un truc pareil ? C’était donc ça les toutes petites lignes en bas du contrat police un et demi ? Non pas qu’Uriel soit désagréable à regarder, non loin, très loin de là, mais première chose, c’était un ange, et seconde, Nybalkiusdee n’était pas vraiment prêt pour ça.
    Il rougit inconsciemment à cette pensée. Mais c’était pourtant la vérité, le démon n’avait que vingt cinq siècles d’existence, par conséquent en pleine adolescence… avec les délires hormonaux qui vont avec. En l’occurrence, il doutait vraiment de faire le poids face à quelqu’un d’aussi expérimenté que l’archange.
    Le jeune démon réalisa que s’il restait cloîtré dans ce silence embarrassé, il risquait de faire tomber tout le plan d’Athael à l’eau. Prudence, et improvisation donc.
    - Oui… Pardonnez ma simplicité, mais comprenez que nous-même, au sous-sol, partageons avec les mortels leurs activités triviales. J’aurai dû considérer que vous étiez capable de bien plus…
    Un nouveau sourire étira les lèvres pleines d’Uriel.
    - Votre méprise est largement pardonnée Athael… Je vous montre le chemin ?
    - Volontiers.
    Ils quittèrent le bar de la rue Joseph Bara et se dirigèrent vers le boulevard St Michel, bras dessus bras dessous, Uriel défiant du regard tous les passants qui auraient pu voir dans leur attitude quelque chose de déplacé. Nybalkiusdee entendait les battements de son cœur qui rebondissait à cent à l’heure dans sa poitrine. Il baissait désespérément les yeux pour ne pas croiser ceux de l’archange. Bien entendu, le démon n’avait rien d’une vierge effarouchée, mais il craignait de ne pas être à la hauteur. L’archange était véritablement séduisant… Avoir de plaisantes activités avec lui ne pouvait tout simplement pas être refusé.
    Ils remontèrent une petite ruelle éclairée par le soleil estival, et pénétrèrent dans le vestibule d’un charmant hôtel dissimulé dans une impasse. Sans hésiter une seule seconde, Uriel prit une chambre et entraîna son compagnon plus ou moins dépassé par les événements dans l’ascenseur. A peine les portes furent être refermée que Nybalkiusdee sentit son cœur se serrer un peu plus dans sa poitrine. Eh merde ! Il avait complètement oublié Athael ! Mais il essaya de se rassurer quelque peu. Après tout, ils n’avaient pas marché vite, le chérubin avait dû les suivre, et il savait où ils se trouvaient actuellement.
    Mais quelque chose chatouillait désagréablement son oreille…
    Sa langue !
    Il s’écarta par pur réflexe, s’adossant dans un bond à la paroi de l’ascenseur. L’archange éclata de rire, se rapprochant du démon avec un geste félin d’invite.
    - Eh bien Athael, on se laisse surprendre… ? Mais pourquoi une réaction aussi excessive ?
    Rougissant, Nybalkiusdee eut quelques difficultés à articuler sa réponse :
    - Euh… Hum… Je suis… Je suis très chatouilleux !
    - Très intéressant…
    Avec ce soupir qui développait tous les accents de l’excitation sexuelle, on pouvait difficilement en douter… Le démon songea qu’il aurait vraiment dû y réfléchir à deux fois avant de jurer sur les brasiers des enfers qu’il remplirait sa part du contrat. Uriel se pencha sur lui, l’embrassant profondément, jouant avec sa langue… tant et si bien que lorsqu’il mit fin à leur baiser, Nybalkiusdee tendit le visage en avant pour en demander plus.
    L’archange rit doucement, sa main descendant de l’épaule du démon jusqu’à sa hanche.
    - Doucement Athael, chaque chose en son temps…
    Nybalkiusdee réalisa ce qu’il était en train de faire : il avait une relation charnelle… avec son plus grand ennemi ! Mais quelle folie l’avait saisi… ?
    La porte de l’ascenseur s’ouvrit enfin, et Uriel n’attendit pas une seule seconde de plus pour entraîner son compagnon dans la chambre qu’il avait payée. Il ouvrit la porte à la volée, poussa presque le démon à l’intérieur et referma derrière lui le panneau de bois blanc, passant sensuellement sa langue sur ses lèvres.
    - Mais vous avez raison, il est inutile de patienter plus longtemps…
    Le brun lui prit le menton entre deux doigts, le poussant doucement vers le grand lit qui trônait au milieu de la pièce. L’allongeant avec lenteur, il l’embrassa à nouveau, glissant une main sous sa chemise pour caresser son ventre plat. Avec horreur, le démon se sentit répondre aux attouchements de l’ange, la déformation de son pantalon en étant une preuve évidente. Mais qu’attendait Athael pour intervenir au juste ! La main d’Uriel remonta jusqu’à son téton et le maltraita jusqu’à le durcir. Ses doigts s’arquèrent au-dessus de son cœur, enfonçant douloureusement ses ongles dans sa chair.
    - Eh ! protesta Nybalkiusdee en voulant se redresser.
    La poigne ferme de l’archange sur son ventre l’en empêchait. Uriel arborait un sourire cruel. Il fit apparaître ses deux immenses ailes d’un blanc immaculé et pesa de tout son poids sur le démon pour empêcher celui-ci de se débattre. Les ongles s’enfoncèrent encore un peu plus. Nybalkiusdee voulut protester mais deux lèvres impérieuses l’empêchèrent de formuler une cinglante repartie. Il sentit quelque chose quitter son corps, et lui apporter par la même occasion une souffrance insupportable. Sous les lèvres d’Uriel, un gémissement lui échappa ; sous ses yeux écarquillés, il vit une petite sphère scintillante quitter lentement sa poitrine pour venir se loger dans la paume de l’archange. C’était ainsi qu’il volait les pouvoirs de ses victimes ! Et Nybalkiusdee n’était absolument pas en mesure de se défendre…
    Il allait tout perdre !
    Soudain, la fenêtre éclata en mille éclats de verre, répandant des monceaux de lumière aux quatre coin de la pièce. Une volée de plumes aveugla le démon qui entendit un cri de douleur, puis des battements précipités au dehors.
    Il se redressa tant bien que mal pour comprendre ce qu’il s’était passé. Uriel avait disparu, il ne restait plus qu’Athael, les mains ensanglantées debout devant la fenêtre grande ouverte aux carreaux brisés, un air déterminé gravé sur ses traits. Le chérubin se tourna enfin vers le démon, avec un sourire qui se voulait rassurant.
    - Entier ?
    - Je… Non !
    Il tendit la main en avant pour invoquer les petites boules d’énergie qu’il était d’ordinaire capable de générer. Mais rien ne se produisit. Uriel lui avait volé son pouvoir. Il se laissa retomber sur le couvre-lit, le visage dans les mains pour ne pas montrer son affliction. Mais qu’avait-il fait pour mériter pareil sort ? Maintenant, il n’était plus capable de se défendre, il était comme un simple mortel, vulnérable.
    Et pour les démons, vulnérable est un synonyme d’inutile.
    Un sanglot incontrôlable lui secoua les épaules.
    - Eh ! s’écria le chérubin en se rapprochant de lui.
    Il s’assit sur le lit à côté du jeune démon, un peu apitoyé malgré lui sur le sort de ce dernier. Se faire voler son pouvoir n’était pas quelque chose d’anodin. C’était un peu comme un viol de l’esprit, une atteinte portée à l’essence la plus intime de l’être victime de cet outrage.
    - Écoute Nybalkiusdee, as-tu vu le visage de cet ange ? Tu le connais ? Était-ce un déchu ? Si tu le sais, nous pourrons le retrouver et l’obliger à te rendre ton bien.
    Le démon releva la tête avec un sourire amer.
    - Quelle bonne plaisanterie, ironisa-t-il. Uriel, bien sûr que je le connais ! Qui ne le connaît pas ! Et vous avez l’intention d’aller lui taper sur la gueule ? C’est beau l’espoir. Non, ça ne sert à rien, je suis un démon fini.
    Athael avait ouvert des yeux ronds comme des soucoupes. Avait-il bien entendu ce que lui avait dit ce démon bas de gamme ? Il doutait cependant que celui-ci se permette un mensonge dans un moment pareil, il était à présent bien trop démuni pour risquer quoi que ce soit face à un chérubin.
    - Tu as bien dit Uriel ?
    Nybalkiusdee acquiesça silencieusement. Une larme creusa un sillon humide sur sa joue. Embarrassé, l’ange ne put que lui tapoter l’épaule par compassion. Le fait que ce démon ait tout perdu par sa faute le culpabilisait au plus haut point, il devait réparer son erreur, même si celle-ci était portée à un de ses ennemis. Athael était un ange d’honneur, il avait scellé un pacte avec Nybalkiusdee en promettant à celui-ci qu’il pourrait partir, une fois sa part du contrat remplie. Mais il n’était pas prévu qu’il souffre du contrat en question.
    - Nybalkiusdee, je vais te conduire chez toi, et je vais en discuter avec mon supérieur direct. Nous examinerons l’affaire, mais je jure sur les Saintes Reliques que je te permettrai de récupérer ton pouvoir.
    Ces paroles semblèrent apaiser le jeune démon qui renifla pathétiquement. Il voulut se relever mais ses jambes se dérobèrent sous son poids. Il tomba dans les bras du chérubin dont le visage s’éclaira d’un mince sourire.
    - C’est peut-être mieux ainsi… Conduis-moi en ta demeure Nybalkiusdee.


A Suivre.

Le Marionnettiste.

1 juillet 2006

Chapitre II : Une vie pour une vie

    Chapitre 2
    - Bonjour. Je peux savoir ce que tu fais ici ? s’enquit l’ange, d’une voix douce et posée.
    Beaucoup trop tranquille pour que ce soit rassurant. Donc pas question de lui mentir à moins qu’il ne veuille être pendu par les boyaux du dernier étage de la Tour Effel.
    - Je pieute pas très loin… l’informa prudemment le jeune démon.
    - Es-tu en mission ?
    - Non. Je viens juste me détendre ici le soir. Ça vous pose un problème ?
    - Tant que tu ne me gênes pas dans ma mission, pas le moins du monde. Athael, Chérubin.
    Il tendit sa main pour serrer celle du démon. Ce dernier ouvrit des yeux ronds comme des soucoupes, c’était bien la première fois qu’un tel événement lui arrivait. Depuis quand les pigeons, surtout les plus féroces avec Ceux d’En Bas tapaient-ils innocemment la discute avec leurs ennemis ? Un peu décalé de la réalité, Nybalkiusdee effleura du bout des doigts la main diaphane de l’ange mais ne ressentit pas la petite décharge électrique qu’il escomptait. Étrange.
    - Nybalkiusdee.
    Le chérubin haussa un sourcil. Toute bonne présentation incluait le rang de l’intéressé. Or, le démon ne lui avait fourni que son nom, mais il n’y avait guère à redouter de cela. Son aura était ridiculement petite et infime. Pas de quoi fouetter un séraphin…
    - C’est tout ? demanda-t-il cependant.
    - Hum… Démon mineur, gronda l’autre, son regard noir s’enflammant. Ça vous va ?
    - Ça ira pour le moment j’imagine. C’est à toi que deux messagers ont donné la chasse cette après-midi ?
    Le démon rosit sous le regard insistant de son rival. Il acquiesça timidement, se demandant quand il pourrait quitter le bar qui lui semblait de moins en moins sympathique. Si seulement il avait écouté Mal’Hora… Il devrait toujours écouter Mal’Hora, elle avait toujours raison… Il était dans une telle position de faiblesse ! Qu’il remue un petit doigt de travers et…
    Par tous les brasiers de l’enfer, faites qu’il me laisse partir, et vite !
    - Je… je peux m’en aller ? se plaignit dans un petit gémissement le démon.
    Il se savait affreusement lâche, mais surtout incapable de tenir tête à un membre de l’élite de l’armée céleste. Athael lui jeta un coup d’œil neutre, son visage figé dans un masque impassible. Une rumeur courait dans les souterrains que les chérubins étaient les plus cruels de tous les pigeons. Dès qu’ils avaient l’occasion de mettre la main sur une créature des enfers, ils s’empressaient de les exterminer sans aucune autre forme de jugement. Pourquoi celui-ci le gardait-il en vie ?
    - Non, pas pour le moment. Tu vas me servir d’appât.
    - Et pourquoi est-ce que je ferai une chose pareille ? protesta vigoureusement le démon, insulté. Aider un pigeon ? Et puis quoi encore !
    Les yeux lavande mirent fin à toutes ses protestations d’une étincelle. Comment osait-il proférer de telles insultes en sa présence ? Il allait certainement le réduire en cendres dans la seconde suivante.
    - Je vais répéter. Une seule fois. Tu vas me servir d’appât. Si tu te tiens tranquille, alors je te laisserai partir. C’est une promesse.
    Ses paroles rassurèrent quelque peu Nybalkiusdee. Un ange ne trahissait jamais sa parole sous peine de déchoir et de rejoindre Ceux d’En Bas. Cependant, la mission évoquée par Athael prenait un tour tout à fait inattendu. Pourquoi avait-il besoin de lui ?
    - Tu as sans doute entendu parler du trafic de pouvoirs dans la capitale, non ? révéla l’ange sur le ton d’une conversation anodine comme les résultats de l’équipe de football en coupe du monde la semaine passée.
    - Vaguement.
    Nybalkiusdee avait répondu ainsi pour ne pas passer pour un ignorant, mais il était vrai qu’il n’était jamais au courant de ce qu’il se passait dans le monde des esprits. Incollable sur la crise du CPE ou le dernier tirage du Loto, mais côté céleste ou infernal, le néant.
    - Bien alors ouvre grand tes oreilles pointues. Des petits malins comme toi s’amusent à dissimuler leur aura pour se faire passer pour des mortels. Ils séduisent leur victime et leur volent leur bien. Ils procèdent notamment par Internet, autant te dire que c’était une sympathique entreprise que de les retrouver… Je me suis fait passer pour un mortel, et j’ai pris rendez-vous ici même. J’ai cru que tu étais le démon concerné mais ce n’est évidemment pas le cas. Le « bon » va arriver d’ici peu je pense, et je veux que tu te fasses passer pour moi, et que tu me conduises à son repère.
    Nybalkiusdee déglutit douloureusement.  S’il comprenait bien, il allait risquer sa vie pour sauver… sa vie. Paradoxal non ? L’ange devait avoir suivi sa réflexion, car son visage s’illumina d’un sourire amusé. Le démon, malgré la colère et l’appréhension qui se bousculaient en lui, se surprit à penser qu’Athael était très bel homme avec une telle expression au visage. Il secoua la tête pour chasser ces pensées contre-nature de son esprit et se redressa sur sa chaise.
    - Ça vous faire rire ? grogna le démon.
    - Plutôt oui. Mais je veux ta parole que tu ne t’allieras pas avec ton petit copain contre moi… Bien entendu ?
    Nybalkiusdee poussa un profond soupir. Par toutes les succubes qu’il aurait voulu avoir sagement suivi les conseils de Mal’Hora… Il acquiesça sans grande conviction. De toute façon, quel démon sensé aurait accepté de s’allier à lui ? Après tout, il n’avait presque pas de pouvoir, aucun rang, aucune importance dans le monde démoniaque. Un anonyme parmi tant d’autres aux enfers.
    - Ça ne me suffit pas Nybalkiusdee, commenta sombrement l’ange. Je veux la preuve que tu m’obéiras.
    - Et comment suis-je censé donner cette preuve ? Excusez-moi Athael si j’agis à contrecoeur, mais vous me demandez beaucoup.
    - Allons…
    - Bien bien, s’emporta le jeune homme à la chevelure sombre. Je jure sur les Neuf Brasiers des Enfers que je me ferai passer pour Athael le Chérubin afin de mener celui-ci au repère de son ennemi. Ça ira ?
    L’ange hocha doucement la tête de haut en bas. Il attrapa la main de son allié de fortune et en embrassa la paume du bout des lèvres, ses yeux perçants rivés dans ceux de Nybalkiusdee. Ce dernier, estomaqué, ne sut que rougir furieusement, sans pour autant retirer sa main de celle d’Athael. Qu’est-ce qu’il lui prenait au juste d’avoir des gestes pareils ?
    - Notre pacte est scellé. A toi de jouer.
    L’ange lâcha la main de son compagnon et se releva pour sortir du café et s’adosser au mur de l’immeuble dans lequel résidait entre autres Mal’Hora, de l’autre côté de la chaussée. Le démon se sentit affreusement stupide et maladroit, depuis quand pouvait-on l’intimider de cette manière ? Il avait fallu bien peu de choses pour qu’il renie toutes ses obligations envers le peuple du sous-sol et travaille pour son ennemi séculaire…
    Nouveau soupir désespéré. La prochaine fois, il écouterait Mal’Hora.
    Le carillon de la porte retentit alors que celle-ci était poussée sans douceur. Un homme de grande taille entra, vêtu d’un luxueux costume blanc. Il parcourut rapidement le bar des yeux avant que son regard ne s’arrête sur le démon. Un sourire carnassier illumina son visage à la peau halée. Ses cheveux bruns bouclaient légèrement sur son front, au-dessus de grandes prunelles océaniennes. Une figure connue de tous, et crainte de la plupart de Ceux d’En Bas. Un pigeon, et pas des moindres.
    Uriel. Un des Archanges nommés par le Grand Barbu lui-même.
    C’était lui le dealer de pouvoirs alors ! Par tous les brasiers de l’enfer, en voilà une nouvelle qui risquait de faire du bruit si elle se trouvait divulguée. Le nouveau venu  vint s’asseoir à l’endroit exact où s’était trouvé Athael quelques minutes auparavant.
    - Un endroit peu sympathique pour un premier rendez-vous, vous ne trouvez pas ? commenta Uriel en jetant un coup d’œil méprisant à son environnement.
    - Au contraire, tout ce qu’il y a de plus discret. Je ne tiens pas à attirer l’attention, répondit Nybalkiusdee du tac au tac.
    Il avait terriblement peur de perdre pied face à l’archange. Il suffisait de bien peu de choses pour que la supercherie soit découverte et qu’il se fasse transformer en sandwich sauce américaine, donc le démon était particulièrement nerveux.
    - Athael c’est ça ? Je crois que je n’ai pas besoin de me présenter, dit simplement Uriel.
    Le démon acquiesça en déglutissant difficilement. Plus le temps passait, plus il se répétait qu’il avait fait une énorme erreur en acceptant le marché du chérubin.
    - Et si nous quittions ce bar miteux… ? reprit l’autre avec un sourire divinement attirant. Il y a un hôtel fort confortable non loin d’ici. Nous pourrions y discuter plus à l’aise, non ?
    « Ils séduisent leurs victimes… » Les paroles d’Athael se retournaient dans ses pensées. Rien d’étonnant à ce que le trafic soit réel, l’archange était un vrai appel au péché. Mais quelque chose ne collait cependant pas vraiment.
    - Excusez-moi Uriel, mais vous risquez d’y perdre des plumes à jouer avec le feu d’un démon tel que moi…
    Nybalkiusdee faisait tout ce qu’il pouvait pour paraître assuré, et surtout pour se faire passer pour plus puissant qu’il ne l’était. Le danger le plus proche était en effet qu’Uriel découvre qu’il ne valait rien.
    - Athael, vous me décevez… Avec tous les charmants messages que nous avons échangés, je vous pensais plus imaginatif… Nous n’avons pas besoin de réaliser cet acte barbare et bestial auxquels les mortels se livrent sans vergogne pour prendre du plaisir…
    Gloups.


A suivre.

Le Marionnettiste.

Publicité
Publicité
1 2 > >>
Publicité